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toutes les bêtes de somme et celles qui servent à tirer.
Depuis notre défaite, notre musique l'a si furieusement vexé sur le péché originel que, pour ne pas voir
ses partisans réduits à la moitié, il a été obligé de renvoyer tous ses pages.
Ranimez-vous donc ; reprenez courage, et soyez sûrs que nous lui ferons repasser les monts à coups
de sifflets.
De Paris, le 4 de la lune de Chahban 1718.
Lettre CXI. Usbek à*** 148
Lettres persanes
Lettre CXII. Rhédi à Usbek, à Paris
Pendant le séjour que je fais en Europe, je lis les historiens anciens et modernes : je compare tous les
temps ; j'ai du plaisir à les voir passer, pour ainsi dire, devant moi, et j'arrête surtout mon esprit à ces grands
changements qui ont rendu les âges si différents des âges, et la terre si peu semblable à elle-même.
Tu n'as peut-être pas fait attention à une chose qui cause tous les jours ma surprise. Comment le monde
est-il si peu peuplé en comparaison de ce qu'il était autrefois ? Comment la nature a-t-elle pu perdre cette
prodigieuse fécondité des premiers temps ?
Serait-elle déjà dans sa vieillesse, et tomberait-elle de langueur ?
J'ai resté plus d'un an en Italie, où je n'ai vu que le débris de cette ancienne Italie, si fameuse autrefois.
Quoique tout le monde habite les villes, elles sont entièrement désertes et dépeuplées : il semble qu'elles ne
subsistent encore que pour marquer le lieu où étaient ces cités puissantes dont l'histoire a tant parlé.
Il y a des gens qui prétendent que la seule ville de Rome contenait autrefois plus de peuple qu'un grand
royaume de l'Europe n'en a aujourd'hui. Il y a eu tel citoyen romain qui avait dix et même vingt mille
esclaves, sans compter ceux qui travaillaient dans les maisons de campagne ; et, comme on y comptait
quatre ou cinq cent mille citoyens, on ne peut fixer le nombre de ses habitants sans que l'imagination ne se
révolte.
Il y avait autrefois dans la Sicile de puissants royaumes et des peuples nombreux, qui en ont disparu
depuis : cette île n'a plus rien de considérable que ses volcans.
La Grèce est si déserte qu'elle ne contient pas la centième partie de ses anciens habitants.
L'Espagne, autrefois si remplie, ne fait voir aujourd'hui que des campagnes inhabitées ; et la France
n'est rien en comparaison de cette ancienne Gaule dont parle César.
Les pays du Nord sont fort dégarnis, et il s'en faut bien que les peuples y soient, comme autrefois,
obligés de se partager et d'envoyer dehors, comme des essaims, des colonies et des nations entières chercher
de nouvelles demeures.
La Pologne et la Turquie en Europe n'ont presque plus de peuples.
On ne saurait trouver dans l'Amérique la cinquantième partie des hommes qui y formaient de si grands
empires.
L'Asie n'est guère en meilleur état. Cette Asie Mineure, qui contenait tant de puissantes monarchies et
un nombre si prodigieux de grandes villes, n'en a plus que deux ou trois. Quant à la grande Asie, celle qui est
soumise au Turc n'est pas plus peuplée ; et, pour celle qui est sous la domination de nos rois, si on la
compare à l'état florissant où elle était autrefois, on verra qu'elle n'a qu'une petite partie des habitants qui y
étaient sans nombre du temps des Xerxès et des Darius.
Quant aux petits Etats qui sont autour de ces grands empires, ils sont réellement déserts : tels sont les
royaumes d'Irimette, de Circassie et de Guriel. Ces princes, avec de vastes Etats, comptent à peine cinquante
mille sujets.
Lettre CXII. Rhédi à Usbek, à Paris 149
Lettres persanes
L'Egypte n'a pas moins manqué que les autres pays.
Enfin, je parcours la terre, et je n'y trouve que des délabrements : je crois la voir sortir des ravages de la
peste et de la famine.
L'Afrique a toujours été si inconnue qu'on ne peut en parler si précisément que des autres parties du
monde ; mais, à ne faire attention qu'aux côtes de la Méditerranée, connues de tout temps, on voit qu'elle a
extrêmement déchu de ce qu'elle était sous les Carthaginois et les Romains. Aujourd'hui ses princes sont si
faibles que ce sont les plus petites puissances du monde.
Après un calcul aussi exact qu'il peut l'être dans ces sortes de choses, j'ai trouvé qu'il y a à peine sur la
terre la dixième partie des hommes qui y étaient dans les anciens temps. Ce qu'il y a d'étonnant, c'est qu'elle
se dépeuple tous les jours, et, si cela continue, dans dix siècles elle ne sera qu'un désert.
Voilà, mon cher Usbek, la plus terrible catastrophe qui soit jamais arrivée dans le monde ; mais à peine
s'en est-on aperçu, parce qu'elle est arrivée insensiblement et dans le cours d'un grand nombre de siècles ; ce
qui marque un vice intérieur, un venin secret et caché, une maladie de langueur qui afflige la nature humaine
De Venise, le 10 de la lune de Rhegeb 1718.
Lettre CXII. Rhédi à Usbek, à Paris 150
Lettres persanes
Lettre CXIII. Usbek à Rhédi, à Venise
Le monde, mon cher Rhédi, n'est point incorruptible ; les cieux mêmes ne le sont pas : les astronomes
sont des témoins oculaires de leurs changements, qui sont des effets bien naturels du mouvement universel de
la matière.
La terre est soumise, comme les autres planètes, aux lois des mouvements ; elle souffre au-dedans
d'elle un combat perpétuel de ses principes : la mer et le continent semblent être dans une guerre éternelle
chaque instant produit de nouvelles combinaisons.
Les hommes, dans une demeure si sujette aux changements, sont dans un état aussi incertain : cent
mille causes peuvent agir, capables de les détruire, et, à plus forte raison, d'augmenter ou de diminuer leur
nombre.
Je ne te parlerai pas de ces catastrophes particulières, si communes chez les historiens, qui ont détruit
des villes et des royaumes entiers ; il y en a de générales, qui ont mis bien des fois le genre humain à deux
doigts de sa perte.
Les histoires sont pleines de ces pestes universelles qui ont tour à tour désolé l'univers. Elles parlent
d'une, entre autres, qui fut si violente qu'elle brûla jusques à la racine des plantes, et se fit sentir dans tout le
monde connu, jusques à l'empire du Catay ; un degré de plus de corruption aurait, peut-être dans un seul
jour, détruit toute la nature humaine.
Il n'y a pas deux siècles que la plus honteuse de toutes les maladies se fit sentir en Europe, en Asie et en
Afrique ; elle fit, dans très peu de temps, des effets prodigieux : c'était fait des hommes si elle avait
continué ses progrès avec la même furie. Accablés de maux dès leur naissance, incapables de soutenir le
poids des charges de la société, ils auraient péri misérablement.
Qu'aurait-ce été si le venin eût été un peu plus exalté ? Et il le serait devenu sans doute si l'on n'avait
été assez heureux pour trouver un remède aussi puissant que celui qu'on a découvert. Peut-être que cette
maladie, attaquant les parties de la génération, aurait attaqué la génération même. [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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